La cour de Gruyère, cette cour qui unissait la simplicité des moeurs pastorales à la pompe des usages chevaleresques, a eu ses bouffons pendant plusieurs siècles : le dernier s'appelait Girard Chalamala.
Chalamala - en idiome gruérien "Tsamala" - est simplement le correspondant patois d'un vieux mot français, chalemelle ou pipeau, flûte champêtre. Le mime du comte de Gruyère était un "tsamala" joueur de flûte, et il reçut dans le peuple ce sobriquet de "Girard-la-flûte".
Girard Chalamala se paraît de ses habits de fol, tenant sa marotte à la main, et portant un grand bonnet orné de plumes de paon.
Au milieu du siècle susmentionné, sous le règne du comte Pierre IV au XIV ème siècle; La Gruyère avait connu, jusqu'au pied de son donjon féodal, les douleurs de la guerre, où s'illustrèrent les immortels Claremboz et Bras-de-Fer, de Villars-sous-Mont et où les hommes d'armes de Fribourg et de Berne donnèrent de rudes coups aux braves défenseurs du pays. Chalamala chantait ces exploits guerriers en des poèmes vibrants qu'il entremêlait volontiers, de ces fabliaux, de ces lais d'amour et autres pièces légères si fort en honneur au temps des trouvères.
Témoin des conquêtes que faisaient Berne et Fribourg, il avait coutume de dire, par allusion aux armes de ces deux villes, qu'il craignait que, tôt ou tard, l'ours ne fit cuire la Grue dans le chaudron de Fribourg.
Chalamala mourut en 1349 : il institua le comte Pierre pour son héritier et lui légua ses dettes, son masque, son bonnet et sa marotte.
Source
Sentier thématique :
Au pays des Légendes de La Gruyère
Texte :
Clément Fontaine, tiré de "Sous la bannière de la Grue"
Adaptation :
Belén Clément